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Honte et dégoût dans la fabrication du féminin

Honte et dégoût dans la fabrication du féminin

L’apparition des menstrues de Aurélie Mardon



Combien de fois nous avons ressenti ce sentiment de honte et de dégoût en ayant nos menstruations ? Et quelles ont été les répercussions sur la construction de notre identité féminine ? C’est ce que Madame Aurélia Mardon, autrice et sociologue française, nous apporte comme réflexion. Ses recherches portent sur le thème du corps et du genre durant l’adolescence. Son intérêt pour cette étape transformatrice dans la vie d’une femme, l’a amenée à s’interroger sur la ménarche, les menstruations, la puberté et les impacts sociaux, culturels et corporels qu’engendrent ces changements chez les jeunes filles et les femmes. « Honte et dégoût dans la fabrication du féminin » est un dialogue entre mères et filles à propos des premières menstruations, de la vision souvent négative du sang menstruel et tout ce qui en découle dans l’incarnation de la femme. Comme l’a si bien dit Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme : on le devient ! » ¹. Être femme, c’est le parcours d’une vie dessiné par les coutumes, les cultures, les modèles éducatifs que l’on a traversés. Mardon introduit son article par quelques sources très intéressantes en lien avec le sang menstruel, qui est le point de départ « visuel » des menstruations. Elle nomme comme exemple, Pascale Bonnemère et un de ses articles écrit sur les sociétés en Nouvelle-Guinée.

(Mead, 1963, Bonnemère, 1990). Il y est mentionné que le sang menstruel est une source de pollution et un risque de danger pour l’homme! Dans la communauté Hua par exemple, le sang menstruel est une des causes principales de la maladie « grossesse masculine », qui se qualifie par un ventre gonflé chez l’homme (Meigs 1976 : 395-396) ². Dans d’autres cultures, les femmes conservaient leur sang, considéré comme sacré, afin d’être utilisé dans des rituels symbolisant la fertilité et la vie. Mardon soulève également le point de l’évolution de la médecine face au corps féminin et de l’importance de l’éducation dans les écoles. L’éducation est primordiale pour les jeunes filles. Plus elles sont préparées à accueillir les premières règles et plus la portée sera favorable sur la perception d’elles-mêmes. Par ailleurs, plus les menstruations sont expliquées comme un événement positif, et plus elles construiront leur identité positivement.


¹ Extrait du livre de Simone de Beauvoir publié en 1949 : « Le Deuxième Sexe ».

² Pascale Bonnemère, « Considérations relatives aux représentations des substances corporelles en Nouvelle-Guinée », Homme, Année 1990, pp 101-120.

En ligne : https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1990_num_30_114_369242


L’autrice ne lésine pas sur les dialogues entre les mères et les filles qui viennent appuyer comment se sentent les jeunes filles lorsqu’elles ont eu leurs règles. Elles refusent d’en parler, elles sont gênées de dire qu’elles les ont. C’est « latche », la honte t’en parler (Mardon,p 35). Les mères sont aussi discrètes jusqu’à demander à leurs filles de dissimuler leurs menstruations aux hommes (garçons, père, frères) comme le mentionne Madame Joncour, mère d’une jeune fille de 14 ans; « Je lui dis, mais ne laisse pas traîner les serviettes dans la salle de bains. En plus, il y a son frère ». (Mardon,p 35)

Mardon met aussi en lumière l’ambivalence à aimer être une femme car on ne se le cachera pas, on peut envier les garçons pour beaucoup de choses mais encore plus quand on prend conscience que les menstruations sont réservées aux femmes uniquement ! Elle le souligne encore très bien dans le témoignage d’une jeune lycéenne qui pourtant avait hâte à ce moment : « Alors déjà, j’étais dégoûtée mais dégoûtée. Je m’en suis voulu d’être une fille parce que, pouff … je trouvais ça … je ne sais pas … j’aimais pas quoi ! (Mardon, p 37) Tampon or not Tampon ? L’autrice nous souligne également que dépendamment de la culture dans laquelle tu es née, certaines mères vont jusqu’à privilégier la serviette plutôt que le tampon juste pour que leurs filles n’aient pas de contacts avec leurs organes génitaux ! Elle évoque aussi dans son dernier chapitre que le tampon est interdit pour les jeunes filles d’origines maghrébine, car il pourrait percer l’hymen, symbole de virginité ! Même si de nos jours, les filles sont plus à l’aise avec leurs règles grâce à de nouvelles habitudes hygiéniques et le large éventail que l’industrie du vêtement leurs procurent afin de s’habiller avec plus d’aisance, il est fort de constater qu’il reste bien du chemin à faire. Avec un regard féministe sur cet article, Mardon nous pousse à revisiter notre passé, à comprendre le rapport que nous avons dès notre plus jeune âge avec notre corps. Il faut insister sur le partage des expériences avant l’arrivée de la ménarche et expliquer que les menstruations sont tout sauf honteuses. Ce sang que l’on perd tous les mois n’est pas que du simple sang, c’est un liquide riche qui se préparait à accueillir la vie. Il est temps de nous réconcilier avec notre corps et tout ce qui vient de lui. On revient donc à ce que nous disions au début de l’article, l’éducation est la clef !



Marlène Dubreucq



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