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Une stérilité féconde






De la procréation à l'incarnation de la Parole de Dieu


20+1, 20 théologiennes et un groupe de femmes qui ont travaillé sur le volet de la stérilité, se sont données comme mission d’éveiller et de réveiller une liberté légitime dans les consciences des femmes et des hommes en expliquant des textes bibliques dans l’écriture d’Une bible des femmes!

Inspirées d’une bible parue en 1898, la Woman’s Bible, aussi écrite par une vingtaine de femmes dont la suffragiste américaine Elizabeth Cady Stanton, cette bible devint un best-seller et fut réimprimée sept fois dès les six premiers mois de sa parution.

20+1, un groupe de femmes dont la diversité religieuse, leurs origines et les 4 générations qui les séparent, font de leurs recherches et de leurs expériences personnelles, Une bible des femmes.

Une stérilité féconde est le volet que j’ai choisi de vous partager parmi des sujets tout aussi intéressant inclus dans cette bible des femmes. Il sera question de la stérilité vue au travers du temps dans l’Ancien Testament, le Nouveau Testament et jusqu’à notre époque où la médecine dépasse toutes ces lois bibliques.



Soyez féconds, multipliez-vous et remplissez la terre – Genèse 1,28

Le sixième jour, Dieu créa l’homme, le mâle et femelle et s’adressa à eux en leur disant de remplir la terre. La maternité est une condition fondamentale au statut de la femme. Elle est reconnue principalement pour son rôle de reproductrice, elle n’était qu’un ventre. Or dans l’Ancien Testament, nombreux sont les passages où l’on parle de stérilité.


La première histoire est celle d’Abraham et de son épouse Saraï qui était stérile.

Saraï prit les choses en main, croyant que Dieu lui avait empêché d’avoir des enfants, elle donna sa servante Hagar à son mari Abraham, afin d’adopter l’enfant qui naîtra. Hagar garda l’enfant, Abraham le reconnu comme fils.

Ce que l’histoire raconte est que Dieu aurait béni Saraï et la rendit féconde. Elle donna naissance à un fils, Isaac.


« Elquana eut des relations avec sa femme Anne et le Seigneur se souvint d’elle » - 1 S 1, 19b.

Elquana d’Ephraïm a deux femmes, Anne stérile, et Peninna, qui a plusieurs enfants. Anne souffrait beaucoup de ne pas pouvoir être mère. Elle confia sa peine au Seigneur et IL l’entendit. Anne donna naissance à un fils, Samuel, qu’elle céda au Seigneur à sa demande.


Stérile, Anne s’est rendue au temple pour demander à Dieu un enfant (haut). Elle donna naissance à un fils (bas). William de Brailes, vers 1250, encre et pigment sur parchemin

@ Centre catholique des médias Cath-Info, 29.11.2019


L’Ancien Testament insiste beaucoup sur la relation entre Dieu et ces femmes stériles. Par la grâce de Dieu, elles donnèrent naissance. Dieu est vie. Dieu est créateur.

La souffrance, le jugement des autres et cette attente qui n’en finit plus que de ne pas accomplir leur rôle de reproductrice, on peut voir qu'elles ont toutes refusé d’être victime en façonnant leur histoire.




« Heureux le ventre qui t’a porté et les seins que tu as tétés ! » Jésus dit : « Plutôt heureux ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent ! » (Lc 11, 27-28).

Dans le Nouveau Testament, avec Jésus, la descendance n’est pas au cœur du discours mais bien l’amour de Dieu, car Dieu est Amour. Jésus appelle à ressentir cet amour, vivre cet amour, un amour qui nous amène à être en communion avec Dieu. Un enfant est important mais on peut très bien vivre sans enfant.

La fécondité est bien plus que d’être mère, c’est toute la notion d’Être. Être en relation avec les autres, suivre un chemin de respect et d’amour, marcher sur le chemin de Jésus, là est la mission de toutes les femmes et tous les hommes sur cette terre.

Jésus montrera un Dieu qui console car oui, la douleur de la stérilité est présente mais Dieu console.


Piero della Francesca – Marie enceinte

(fresque de 1455, à Monterchi)



Et l’homme dans tout ça?

Est-il possible que la stérilité du couple puisse venir de lui ?

On a pu voir au travers du temps que la stérilité était féminine. La stérilité masculine n’est pas remise en question même dans cette histoire avec Ruth et Mahlôn dont le nom signifie « maladie » qui meure laissant Ruth sans enfant. Sauf que ce n’est pas Ruth qui est stérile puisqu’elle donnera naissance à un garçon, de son union avec Boaz.

Mais il y a un passage dans un texte du Deutéronome, un des textes de l’Ancien Testament qui pourrait évoquer la stérilité masculine : « Il n’y aura chez toi pas d’homme stérile, ni de femme stérile » (Dt 7,14)

Aurait-on fermé les yeux sur ce texte pour mettre tout le poids de la stérilité sur les femmes ?


Quand est-il de nos jours ?

La stérilité est toujours un problème et même en augmentation.

La science fait des « miracles » en permettant à des couples infertiles d’être parents grâce à la procréation médicalement assistée (PMA), la gestation pour autrui (GPA).

Mais des questions émergent de cette science dont la notion de l’identité de l’enfant, son statut social ainsi que la question du « droit » des parents vis à vis l’enfant.


Jusqu’où la science ira -t-elle pour combler ce manque créé par la société ?

C’est en effet une pression sociale que d’avoir des enfants, le devoir de « peupler la terre » et comment transmettre si nous n’avons pas d’enfant ?

Un couple se forme, la famille et la société analysent déjà les probabilités qu’il y aura une descendance. Quand le couple tarde le projet d’être parents, les questions abondent.

C’est pour quand les enfants ? Il ne faut pas tarder, on ne sait jamais si vous pouvez en avoir. Vous en voulez combien ?

Mais les bonnes questions sont rarement posées : « Est-ce que le couple en veut ? »

Est-ce que le couple peut en avoir ?


Comme la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval le mentionne dans son livre L’enfant à tout prix, l’enfant une fois adulte voudra connaître ses origines pour construire son histoire. Que ça soit par voie biologique, adoption, fécondation In Vitro, mère porteuse, est-ce vraiment si important le comment de sa venue ?


Dans son ouvrage Corps en miettes, Sylviane Agacinski est totalement opposée à la GPA.

« Le baby business cherche partout des ventres à louer. La propagande en faveur de la « GPA » ne saurait masquer la violence d’une telle pratique. Au nom de la dignité de la personne humaine, ce livre appelle à résister. »

Son questionnement est légitime et il est bon de se poser ces questions.

Mais ayant elle-même eu recours à une IVG, avec Monsieur Jacques Derrida, son fils Daniel est né en 1984. N’est-ce pas un peu contradictoire de s’opposer aux techniques offertes pour être parents ?


Une stérilité féconde m’a beaucoup interpelé, je suis une femme infertile.

Parcourir les écrits bibliques revisités par un groupe de femmes m’a permis de saisir tout le poids que nous, les femmes, portons sur nos épaules dans toutes les sphères de notre vie surtout celle de procréer. On s’entend, que de nos jours, ce n’est plus dit dans les termes de l’Ancien Testament mais le sujet est encore d’actualité et bien ancré dans nos gênes. Grâce à la science, l’homme fait aussi partie de l’équation de la stérilité. Le but n’est pas de rendre coupable un partenaire ou un autre mais bien d’enlever ce poids immense aux femmes.

Ayant passé par la voie naturelle, le In Vitro et l’adoption, je peux affirmer que la douleur de ne pas avoir eu d’enfant fut immense, ce fut un deuil de ne pas connaître la maternité.

Mais aujourd’hui, j’ai trouvé mon projet de vie et le féminisme en fait partie.



Bibliographie

Alix Leduc, « Infertilité : stériles mais heureuses, elles témoignent », Marie-Claire, 10 novembre 2017, en ligne : https://www.marieclaire.fr/,sterilite,20254,51999.asp (dernière consultation 15.06.2018)


Annette Ancelin-Schützenberger, Aïe, mes aïeux, Paris, Desclée de Brouwer (La Méridienne), 1998.


Carolie Piguet, « Deux ados nées par GPA témoignent pour la première fois », Le Figaro, 25 juin 2015, en ligne : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/06/25/01016-20150625ARTFIG00059-deux-ados-nees-par-gpa-temoignent-pour-la-premiere-fois.php (dernière consultation 15.06.2018)


Carole Pirker, « Bible et stérilité : d’autres façons de donner et promouvoir la vie », Centre catholique des médias Cath-Info, 29.11.2019, en ligne : https://www.cath.ch/newsf/bible-et-sterilite-les-autres-facons-de-donner-et-promouvoir-la-vie-1-6/


Émilie DEVIENNE, Être femme sans être mère, Le choix de ne pas avoir d’enfant, Paris, Robert Laffont, 2007.


Frédéric Martel, « Jacques Derrida et Sylviane Agacinski : révélation inattendue dans une biographie à paraître », 27 septembre 2010, en ligne : https://www.nonfiction.fr/article-3797-jacques_derrida_et_sylviane_agacinski__revelation_inattendue_dans_une_biographie_a_paraitre.htm, Benoît Peeters, Derrida (Grandes biographies / Flammarion, 737 p.)


Geneviève Delaisi de Parseval, L’enfant à tout prix, Paris, Seuil, 2001.


Khalil Gibran, Le prophète, Paris, Casterman, 1956, p.19


Serge Tisseron, Les secrets de famille, Paris, PUF (Que sais-je?), 2011


Sœur Jeanne D’Arc O.P., Évangile selon Luc (traduction), Paris, Desclée de Brouwer, 1986, p97.


Sylvie et Dominique Mennesson, Interdits d’enfants, Paris, J’ai lu, 2012, pp. 40-41

Ibid., p.27.

Ibid., p.140.


Sylviane Agacinski, Corps en miettes, Paris, Flammarion, 2013, p.18

Ibid., p.83.

Ibid., p.85.

Ibid., p.86.


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